dimanche 19 février 2012

Un conte: LE VETERAN

Bonsoir,

Voici un conte de l’Alhambra… et bonne fête de Carnaval !
A+                                         
Lorena




Parmi les curieuses connaissances que j’ai faites en me promenant autour de l’Alhambra es trouve un vieux colonel d’Invalides. Le brave homme niche comme un faucon dans une des tours mauresques. Son histoire, qu’il conte volontiers, est un tissu d’aventures, de tribulations et de vicissitudes qui rendent la vie de presque chaque espagnol aussi capricieuse et diverse que celle de Gil Blas.


A douze ans, il est un Amérique (il compte un des événements les plus extraordinaires et les plus heureux de sa vie d’avoir pu voir le général Washington). Puis, il prend part à toutes les guerres de son pays. Il peut parler par expérience de la plupart des prisons et des cachots de la Péninsule. Amputé d’une jambe, mutilé des mains, il a été tellement taillé et recousu qu’il constitue une espèce d’histoire ambulance des troubles de l’Espagne, où chaque bataille, chaque querelle a laissé sa cicatrice, à la façon dont Robinson Crusoe, faisait une entaille sur son arbre pour marquer chaque nouvelle année. Mais le plus grand malheur de ce brave gentilhomme fut, semble-t-il, d’avoir pris le commandement de Málaga, pendant une période de dangers et de confusion et d’avoir été élu général par les habitants qui voulaient se défendre de l’invasion de Français. Ce rôle lui a valu d’adresser à son gouvernement tant de justes réclamations, qu’il en aura-je le crains bien- jusqu’à la fin de sa vie à écrire et publier de pétitions et des mémoires qui fatiguent son esprit, épuisent sa bourse et attristent ses amis ; aucun d’eux, en effet, ne peut luis rendre visite sans avoir à subir la lecture d’un interminable document et sans le quitter avec une demi-douzaine de brochures. Cas très fréquent en Espagne : partout on peut voir d’honorables gens ruminant leur rancœur dans un coin et ressassant, non sans complaisance, l’injustice dont ils ont été victimes. D’ailleurs, un Espagnol qui est en contestation ou en procès avec son gouvernement se voit, par là même, pourvu d’une occupation jusqu’à la fin de sa vie.
La Puerta del Vino

J’ai souvent rendu visite au vétéran chez lui, dans la partie supérieure de la Torre del Vino (ou Tour du Vin[i]) Sa chambre est petite, mais confortable et donne sur une magnifique vue de la vega. Elle est arrangée avec une précision toute militaire : Trois mousquets et une paire de pistolets, fourbis et brillants, sont accrochés au mur entre un sabre et une canne. Au-dessus, trois tricornes, l’un pour la parade, l’autre pour tous les jours. Une petite étagère contenant une demi-douzaine de livres forme toute sa bibliothèque. Celui qu’il préfère est un vieux manuel de maximes philosophiques, qu’il feuillette et médite chaque jour, appliquant à son propre cas chacune de ces maximes, pourvu qu’elles aient une petite saveur amère et traitent de l’injustice du monde.

Cela ne l’empêche pas d’être sociable et de bonne compagnie, lorsqu’on sait le distraire de ses rancunes et de sa philosophie. J’aime bien ces hommes ballotés par la vie et leurs rudes odyssées. Au cours de mes visites à cet invalide, j’ai pris des choses curieuses à propos d’un ancien commandant de notre forteresse, qui devait lui ressembler en plus d’un point et avoir connu le même sort dans les guerres. J’ai enrichi ces détails de ceux que j’ai obtenus de vieux résidents de la place et en particulier du père de Mateo Jiménez qui, dans ses contes, prend volontiers pour héros le personnage que je vais présenter au lecteur.
Source: Irving, Washington, Contes de l’Alhambra, España, Patronato de la Alhambra et Ediciones Miguel Sánchez, España, 2007, pages 253-255.


POUR EN SAVOIR PLUS :
1.       ¿Qui était Washington Irving ? Il était un Américain, diplomate, historien et voyageur, il voyagea à Grenade au printemps de 1829. Il vécut quelque temps à l’Alhambra, qui à l’époque était habitée. Il puisa son inspiration sur les murs du monument, parmi les bavardages de ses occupants, à traves les chroniques … Washington_Irving
 
2.       La Puerta del Vino, pour connaître son histoire... Arte_historia_jcyl
3.       Matisse. L’année dernière a eu une exposition magnifique là-bas. Je l’ai vue. Je vous laisse un lien de la télé espagnole qui parle de tout ça : Matisse à l'Alhambra

4.       Pour faire une visite virtuel de l’Alhambra et un vidéo España-Andalucía-Granada

5.      Le programme de RTVE La mitad invisible (en espagnol): La Alhambra de Granada, La Alhambra de Granada

[i] Cette tour n’a jamais existé. Peut-être s’agit-il de la Puerta del Vino (N. de L’Editeur)

2 commentaires:

  1. Merci Lorena,
    j'adore l'Alhambra et tout ce qui la concerne. Un de ces jours, je retournerai pour éprouver, de nouveau, les sensations qu'elle m'a inspiré la première fois. Ça sera possible?

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  2. Oui. C'est un lieu unique, chargé d'histoire

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